jeudi 30 septembre 2010

Beijing


Nous voici donc dans l'Empire du Milieu, le pays de Mao, du thé vert, de la soie, du jade et du "Made in China". Le pays où les gens semblent parler du nez et écrivent avec des signes incompréhensibles. C'est également le pays le plus populeux du monde, celui du plus grand parti politique, communiste de surcroît avec 78 millions de membres sur une population de 1,324 milliards. Voit-on enfin une réussite de ce modèle tant contesté, avec raison, tant il a échoué? On a de quoi être impressionnés.

D'une part, la Chine est admirée. Avec son taux de croissance élevé et soutenu par une classe moyenne de plus en plus grande et avec ce qui deviendra bientôt le premier marché de consommateurs de la planète, les investisseurs du monde entier voient des signes de $ dans les yeux des Chinois. L'époque où la Chine n'était que l'usine "cheap-labor" du monde occidental est révolue. C'est que la Chine a bien joué son jeu: ce sont les Chinois eux-même qui profiteront de la manne. Maintenant qu'ils ont les ressources humaines et matérielles pour produire ainsi que les consommateurs pour acheter, ils n'ont plus besoin de personne.

D' autre part, la Chine est critiquée. Non-respect des droits de l'homme, manipulation de l'information, censure, expropriation et génocide. Certains appellent au boycott de ses produits ou de ses jeux olympiques par exemple. D'autres incitent même à ne pas y voyager, à ne pas aller y dépenser son argent, histoire de protester contre le régime... Nous en sommes arrivés à la conclusion que, pour en avoir une meilleur idée, il fallait s'y rendre pour le voir de l'intérieur. Et puis il faut aussi garder en tête que la politique et le peuple ne font rarement qu'un et que l'un n'est pas représentatif de l'autre. C'est donc ce que nous nous proposons de découvrir dans les prochaines semaines.

Bien que le dernier mois fut plutôt tranquille pour nous (nos attentes étaient élevées pour la partie du sud de l'Inde), les deux dernières semaines nous auront au moins permis de recharger nos batteries avant d'attaquer ce qu'on pourrait appeler, encore une fois, une autre planète. Retour à la case départ: nous avons perdu tous nos repères. Tout ce qu'on avait appris de la langue, des coutumes, des habitudes des habitants, des gens qui nous entouraient ne nous sert plus. Et pourtant, ce qui en aurait découragé certains nous aura fait l'effet d'une canette de Red Bull par intraveineuse. Stimulant, revigorant. La seule pensée de venir découvrir un nouveau pays nous aura ouvert l'appétit comme à la vue d'un bon plat fumant qui sort du four. Alors que dix jours nous paraissaient interminables il n'y a pas si longtemps, nous avons vu passer la même dizaine à la vitesse d'un TGV lors de notre séjour à Pékin.

D'abord un retour sur notre escale à l'aéroport de Kuala Lumpur où nous avons passé la nuit. Pas à l'hôtel de l'aéroport. Au terminal. Dans l'aire d'attente. Non, cette situation insolite n'était pas due à un vol reporté ou à une mauvaise planification, la décision s'est prise d'avance en parfaite lucidité, histoire de sauver le coût d'une nuit à l'hôtel dans une ville où tout est horriblement cher, dumoins en comparant avec l'Inde. Saviez-vous qu'il existe toute une communauté internet qui répertorie les aéroports où il fait bon dormir? Si vous êtes curieux, allez faire un tour ici. Les coins sombres et tranquilles ne sont pas si nombreux au terminal principal et nous avons même été déplacés vers une heure du matin parce que la section où nous étions devait être fermée pour la nuit. Par contre, mention honorable pour les bancs à quatre place sans appuis-bras où il est confortable de s'allonger et pour les toilettes où nous avons pu prendre une douche improvisée en toute quiétude.

Quelques heures plus tard, les roues de notre avion touchaient le sol. À travers le hublot, c'est une pluie fine que nous voyions tomber sur Tianjin. Il nous restait encore deux heures de bus avant de rejoindre la capitale. Une fois rendus, par contre, la tristesse de mère nature s'est évaporée pour faire place à l'enthousiasme de vos deux voyageurs préférés, excités comme des enfants arrivant à Disney Land. Les premières constatations prennent surtout la forme de comparaison avec l'Inde. La différence est frappante.  La société chinoise doit bien être en avance d'un demi-siècle par rapport au pays de Ghandi. Sur tous les aspects, la Chine est à l'opposé du pays qu'on a à la fois appris à aimer et à détester dans les derniers mois. Les bâtiments modernes, les trottoirs larges, l'habillement mode des gens, la propreté, l'ordre, l'impression d'une société organisée au quart de tour. Les jours qui ont suivi nous auront permis de le confirmer. Grattes-ciel, voitures récentes, vêtements griffés, Pékin nous montre une Chine bien de son temps à l'avant-garde du progrès sous toutes ses formes. Est-ce que cela veut dire qu'elle renie son passé? Au contraire. Elle en est fière et le met en valeur. Chaque monument, musée, parc ou mur(!) est présenté de belle façon et entretenu à la perfection. L'harmonie entre le traditionnel et le moderne est enveloppante.

Pour en profiter, il faudra se forcer. Car la communication ne se fait pas en anglais ici, même si on la qualifie souvent de langue internationale. Très peu de Chinois le parlent, ne serait-ce que quelques mots. Même les plus jeunes. La Chine n'en a jamais eu besoin pour se hisser au deuxième rang des économies mondiales et ce n'est pas aujourd'hui que ce sera nécessaire. En fait, à l'inverse, apprendre le mandarin ne serait pas une si mauvaise idée pour nous, occidentaux, et je ne serais pas surpris que son enseignement soit de plus en plus répandu. De toute façon, pour le voyage, c'est essentiel si l'on veut réellement apprécier. Sans mandarin, j'ai bien peur qu'on ne fasse que voir la Chine mais pour la vivre, il faut pouvoir baragouiner quelques mots. Le séjour ne sera que plus enrichissant. En prime, le sourire qui illumine le visage de son interlocuteur quand on le salue dans sa langue maternelle vaut amplement l'effort à y mettre. Le plus étonnant, c'est que ce n'est pas si compliqué que ça; on ne se débrouille pas mal du tout et on est vraiment contents d'avoir pris la peine de faire quelques leçons avant le départ. On a appris davantage de mandarin en trois jours que d'hindi en trois mois.

On a également appris, voire confirmé, que la Chine, c'est cher. Pour nous, ce sera donc bouffe de rue et dortoirs.Rien de bien désagréable, ça donne souvent lieu à des rencontres amusantes. Outre le choc de la langue et du coût de la vie, il y a celui de la censure. On savait que Facebook serait bloqué, ça on peut farie sans, mais figurez-vous que votre blog préféré ainsi que Picasa (le site utilisé pour nos photos) n'étaient pas accessibles non-plus, en tant que produits "Google". C'est donc en déjouant la censure chinoise que nous vous envoyons cette entrée de blog!

Vous vous doutez sans doute déjà qu'on a aimé notre séjour à Pékin, n'est-ce pas? Juste. Très Juste. Le point le plus évocateur c'est qu'au lieu de rester 6 jours comme prévu, nous avons passé 9 jours dans la capitale chinoise. La ville, immense, regorge de choses à faire et à voir et nous n'aurions pas pu passer à côté de quoi que ce soit offert ici. Comme quoi? En rafale, nous avons visité la place Tian'anmen, la Cité Interdite, Dashanzi 798 (le quartier des arts), le mausolée de Mao, le parc olympique, la fameuse grande muraille, le Temple du Ciel et j'en passe. D'ailleurs, les chinois ont beaucoup d'imagination lorsque vient le temps de donner des noms à leurs monuments. Je vous en partage quelques uns: le Palais de l'Harmonie Suprême, le Palais de la Pureté Céleste, le Pavillon de la Tranquillité Impériale, la Porte de la Vérité Pure, le Temple de la Grande Charité et la Salle de la Protection Éternelle. Curieux... En terminant, il ne serait pas juste de conclure ce texte sans vous parler un peu des Pékinois que nous avons trouvés hyper gentils. L'esprit communautaire semble occuper une place importante dans leur vie. On les voit souvent en groupe en train de partager un repas ou une partie de cartes, que se soit dans les hutong (quartiers typiques à maisons basses) ou même sur les sites touristiques. Les personnes âgées sont actives, ça joue au mah-jong et même au aki-sac! On les voit aussi dans les parcs, le soir, pratiquer la danse, le tai-chi ou le kung-fu. Ce sont de bons vivants et ils n'hésitent pas à se bourrer la fraise en famille ou entre amis. Inspirant!

mercredi 15 septembre 2010

Varkala et Kovalam



On a passé notre dernière semaine en Inde à Varkala puis à Kovalam, deux villes au bord de la mer d'Oman. Varkala est située sur une falaise, ce qui lui donne une charme tout particulier, et des vues à couper le souffle. En saison, elle est prise d'assaut par les touristes occidentaux. Kovalam est toute aussi populaire, mais avec davantage de tourisme intérieur et donc d'Indiens bedonnants en speedo. Ici, il n'y a pas de complexes!

Cette semaine plus tranquille donc aura été l'occasion pour nous de faire une petite rétrospective sur la première partie de notre périple. Que dire après plus de trois mois passés sur le sous-continent indien? On ne peut faire autrement que de conclure que l'expérience a été positive, somme toute. On a pris le temps de se remémorer nos coups de coeur: Leh, sans hésiter, mais aussi le Punjab, le Rajasthan, le Bangladesh et Mamallapuram. Notre parcours a également été parsemé de moments forts: on se rappelle la descente de Khardung La en vélo, la nuit sur une dune de sable dans le désert, notre randonnée boueuse dans les Sundarbans, notre escapade en moto autour de Mamallapuram, le body-surfing à Kovalam et j'en passe. On se remémore également nos débuts, à Delhi... Il nous semble que ça fait une éternité ! On en a fait du chemin depuis, et on a acquis une certaine aisance. Parce qu'au début, l'Inde te rentre dedans et te déstabilise. Elle te confronte à tes valeurs, te pousse à l'extrême. Inde, tu n'auras pas eu raison de nous! L'Inde et son intensité nous auront légué un précieux héritage: des souvenirs intarissables, et plus d'anectodes qu'on a de temps pour les raconter. Certes, si nous avions à recommencer, nos choix seraient différents quand à l'itinéraire et au temps passé dans chaque ville. Mais il fallait le vivre une première fois pour savoir, non?

Pour nous, c'est une partie du voyage qui se termine. Il y a eu des journées plus difficiles où on rêvait au moment où on quitterait ce pays, et on se disait que ce serait avec soulagement qu'on quitterait enfin le sol indien! Ce n'est plus le cas aujourd'hui. On a eu une relation amour-haine avec l'Inde, et se sent nostalgique à l'idée de la quitter. Y retourner un jour? Peut-être, mais il y a tellement de pays à voir dans le monde qu'il est peu probable qu'on y retourne une seconde fois dans une optique de voyage. On vous le recommande par contre! On en apprend tellement sur soi.

C'est donc le coeur serein qu'on prend le chemin de l'aéroport de Trivandrum. Une escale à Kuala Lumpur et 36h plus tard, on devrait arriver à Beijing!

Les backwaters


Le 7 septembre, il y a eu une grève générale de décrétée dans tout l'état du Kerala. Le train n'étant pas affecté, on l'a pris de Kochi à Alleppey. Comme on a quitté tôt le matin, on ne se surprenait pas de ne pas voir trop d'activité. La surprise, on l'a eue arrivés à Alleppey, en voyant que les rues étaient désertes... Une vraie ville fantôme! Le contraste est fort comparé à l'animation habituelle des villes indiennes. C'était presque épeurant. Tous les commerces étaient fermés, il n'y avait personne sur les rues, pas de circulation, pas d'autobus, pas même de rickshaws! Ça sentait l'alerte à la bombe nucléaire plutôt que la grève. D'ailleurs, personne n'a réussi à nous expliquer pourquoi ils étaient en grève, et on a même entendu des commentaires du genre "nous, les kéralais, on est paresseux, on prend n'importe quelle occasion pour ne pas travailler". Tu parles d'un peuple fier! Après vérifications sur le web, il s'agit d'une grève d'envergure jusque-là inégalée pour l'Inde depuis les années 60, initiée par rien de moins que huit syndicats majeurs en Inde, pour protester contre le non-respect des normes du travail, la hausse des prix et le manque de partenariats public-privé. Hum, d'un oeil occidental ça semble un peu éparpillé... Il est évident que la majorité des Indiens ne se sent pas concernée par ces enjeux. Le plus drôle c'est qu'au lieu de faire réagir la population, de la sensibiliser à la cause, celle-ci en profite pour rester tranquille à la maison!

N'empêche qu'à un moment on se questionnait sérieusement quant à ce qu'on allait bien pouvoir trouver à manger. C'est une drôle de sensation que de retrouver ses besoins de base compromis, ça fait réaliser bien des choses. Finalement, on a trouvé un homme qui vendait des bouteilles d'eau et des chips, en cachette, de peur d'avoir des représailles à cause de son manque de solidarité. Ça nous a dépanné pour le dîner, et on a eu la chance de trouver un resto ouvert pour le souper.

Allepey fut le point de départ d'une traversée magique vers Quilon dans les backwaters, ce labyrinthe de lagunes formant des routes, des ruelles et des carrefours. Ce véritable réseau de voies aquatique grouille d'activité: on peut y voir des femmes faire leur lessive sur les rives ainsi que de nombreux pêcheurs à l'oeuvre dans de mignons petits bateaux multicolores. Fait étonnant, on s'est retrouvés seuls avec les cinq membres de l'équipage dans un bateau assez grand pour cinquante! En fait, c'est un organisme gouvernemental qui vend ces "croisières". Le bateau part donc à chaque jour, peut importe le nombre de sièges vendus. C'est pas mal moins beau que les houseboats des compagnies privées, mais pas mal moins cher aussi! Ce fut également l'occasion d'échanges rafraîchissants, les Kéralais se donnent peut-être la réputation d'être paresseux, mais ce sont des interlocuteurs intéressants et différents: le Kérala est l'état indien ayant le plus haut taux d'alphabétisation du pays, le nombre moyen d'enfant par foyer est de 1.8 et près de 90% des femmes sont scolarisées. On est loin du stéréotype indien!

Kochi

Après un paisible petit séjour en montagne, le retour dans une ville typiquement indienne, avec ses klaxons et sa folie, a eu l'effet d'une douche froide. Il faut dire que le quartier où l'on a choisi de dormir, Ernakulam, a autant de charme qu'un mal de dents. Le truc touristique, ici, c'est Fort Cochin, un petit village à l'allure un peu coloniale dont le développement a été influencé par les Portuguais et les Néerlandais. Outre l'ambiance, on y retrouve également des filets à pêche forts particuliers, un vestige de relations commerciales avec la Chine.



On a donc été voir les fameux filets à la tombée de la nuit pour profiter du coucher de soleil comme arrière-plan. On avait espoir d'observer des pêcheurs à l'oeuvre, et nos prières ont été entendues: c'est fabuleux de voir cette immense structure en bois émerger de l'eau. Toute une technique!

Certains pêcheurs ont remarqué notre intérêt et nous ont fait signe de s'approcher. On a à peine eu le temps d'anticiper un échange intéressant avant que la réalité indienne ne nous rattrappe: les conversations spontanées et gratuites n'existent pas ici. L'un d'entre eux nous explique brièvement comment il pêche, avant de partir sur son laïus: le filet ne lui appartient pas, il doit redonner 30% aux propriétaires et, ces temps-ci, la pêche n'est pas bonne, et il aimerait bien un petit don. Une femme qui était avec nous lui donne 20 roupies (l'équivalent d'un souper) mais le pêcheur lui répond qu'il aimerait bien en recevoir 500.

Les occasions d'échanger de façon satisfaisante avec un Indien sont rares, voire inexistantes. Ils ont constamment derrière la tête l'idée nous demander de l'argent, que ce soit en mendiant ou en nous vendant quelconque produit ou service bidon. C'est parfois très frustrant de ne pas pouvoir connecter avec eux. La relation avec autrui est biaisée quand une des deux parties ne reconnait pas le rapport d'égalité, et la plupart des Indiens en sont incapables, ils sont viscéralement possédés par des pensées récurrentes où ils se demandent comment ils vont pouvoir nous soutirer quelques roupies. On est loin de l'échange culturel bidirectionnel où chacun y trouve son compte en apprenant sur l'autre.

Pour en revenir à notre conversation avec les pêcheurs, pour plusieurs raisons, on a choisi de ne rien donner. Ce sont eux qui nous ont invités sur leur plateforme, on y est resté environ cinq minutes, et ça avait à peu près tout d'une discussion et rien d'une visite guidée. Je refuse de payer quelqu'un parce qu'il nous adresse la parole, c'est carrément odieux. Je comprends que nous soyons plus choyés qu'eux sur bien des plans, mais ce n'est pas une raison pour se vider les poches à chaque fois qu'on nous le demande, soit environ quinze fois par jour. Premièrement, notre budget est loin d'être illimité, et deuxièment, quand on donne, ça crée un précédent et ça encourage ce genre de comportement chez les habitants, tel un cercle vicieux.

Par exemple, à Rameswaram, les enfants de la rue nous demandaient des crayons avant même de nous dire bonjour. À cause d'un précédent, parce qu'ils se sont déjà fait offrir des crayons par d'autres voyageurs. Au Bangladesh, un pays qui a vu beaucoup moins de tourisme que l'Inde, les jeunes étaient tout excités quand ils nous voyaient arriver, et fiers de nous aborder avec les quelques mots d'anglais qu'ils connaissaient. Une fois, on a joué au soccer avec eux. C'était agréable, ça riait quand on leur a montré comment frapper le ballon avec la tête. Bref, on a eu autant de plaisir qu'eux, et il n'y a pas eu d'échange de crayon. Il faudrait que certains voyageurs arrêtent de se prendre pour des missionnaires et s'enlèvent de la tête qu'ils sauvent des villages entiers de la famine en leur apportant des stylos à bille. S'intéresser à eux leur rapporte bien plus...

Kodaikanal et Munnar


Kodaikanal et Munnar sont deux petites villes en montagne, situées à respectivement 2100m et 1600m d'altitude sur les ghâts occidentaux, cette chaîne de montagnes qui traverse l'Inde du sud. Il s'agit, grosso modo, d'une frontière naturelle entre les états du Tami Nedu et du Kérala. Ça nous a fait un bien fou de passer quelque temps en altitude, à faire de la randonnée du matin au soir et à respirer de l'air pur. Kodaikanal est charmante avec ses rues bordées de kiosques vendant du chocolat maison. En effet, c'est un des seuls endroits en Inde où celui-ci ne fond pas! La région en a fait une spécialité. C'est aussi un des seuls endroits en Inde où l'on peut observer des Indiens avoir froid, une scène toujours un peu coquace! Dès qu'il fait moins de 20oC, il sort les gros manteaux d'hiver, la tuque et le foulard. Ici, le foulard ne se porte pas autour du cou, mais bien autour de la tête, façon turban. L'Indien est mésadapté au froid. Pourtant, ceux-ci en redemandent, car Kodaikanal est une destination très prisée pour son exotisme par la classe moyenne. Plusieurs y viennent en lune de miel!

À Munnar, un peu plus bas, la ville est sans charme. Ce sont les alentours qui sont digne de mention: les montagnes sont recouvertes de plantations de thé. Ces arbustes parfaitements taillés sont particulièrement beaux à voir sous la luminosité changeante de la région. Ici, le soleil joue à la chaise musicale avec les nuages, et c'est chacun son tour: il pleut, dix minutes plus tard il fait soleil, et on passe notre temps à enlever et remettre nos imperméables. Ici encore, comme à Kodaikanal, nos journées de randonnée sont mémorables.


Autrement, comme Fred le mentionnait précédemment, on prend un malin plaisir à appliquer notre nouvelle politique du "zéro-rickshaw". En effet, après avoir été maintes fois exaspérés par leur attitude discutable et leur forte tendance à multiplier les tarifs par douze quand ils voient approcher des gens à la peau blanche, on a décidé qu'on ferait sans eux. On se servait des ces baby-taxis surtout pour des moyennes distances, quand c'est trop loin pour marcher. C'est qu'ils sont parfois terriblement envahissants! Habituellement, à peine notre train arrive-t-il à la gare que des hordes de rickshawmen nous ont repérés et se massent près des portes en hurlent en notre direction, nous demandant où nous allons, parfois en lançant des prix avant même que nous ne leur ayons répondu. Ils s'aggripent sur nos backpacks, essayent de les prendre et de les mettre à l'arrière de leur rickshaw. On a beau leur dire non, ils insistent. On se retrouve souvent dans l'obligation de hausser le ton... Quand on leur dit qu'on préfère marcher, ils se mettent à inventer toutes sortes de raisons pour nous en dissuader, le plus souvent en exagérant les distances à parcourir. Bref, plus souvent qu'autrement, on rit avec eux plutôt que de se fâcher, et on accepte qu'ils nous suivent quelques temps... Ils finissent par se lasser, mais les plus têtus parmi eux vont jusqu'à nous suivre en rickshaw et nous faire ce qu'on a maintenant baptisé "la passe de l'Indien": nous dépasser, puis arrêter son rickshaw devant nous, histoire de nous forcer à le contourner (idéalement en passant dans une flaque de boue) en continuant à nous interpeller: " Yes?! Hello! Rickshaw! Fifty rupees!". Chère Inde.

On se sentait parfois dépendants des rickshaws, parce que les autobus locaux sont assez rebutants à priori pour quiconque ne s'exprimant pas couramment en tamoul (Quoi, vous non plus?). Faute de pouvoir lire la destination ou le nom du circuit sur le bus, on s'en remet aux numéros, mais ceux-ci ne sont pas nécessairement fiables, et plusieurs bus arborent plus d'un numéro. Finalement, en Inde, les arrêts ne sont pas marqués, il faut repérer le groupe de gens qui attendent sur le bord de la rue. Pour ajouter un peu de piquant, les autobus ici ne s'arrêtent pas, ils ralentissent seulement. Il faut donc sauter à bord, chose plutôt délicate quand le bus est bondé, qu'il y a déjà des gens sur le toit et qui dépassent par la porte et les fenêtres, et qu'en même temps on veut valider la destination du bus avant d'y sauter.

Malgré tout, à force d'essayer, on s'est rendu compte que ce n'est pas si difficile que ça. Il suffit d'apprendre à prononcer le nom de l'endroit où l'on veut aller en utilisant un accent indien. Souvent, ça se résume à rouler les "r" et aligner les syllabes rapidement, sans vraiment placer d'accent tonique. D'ailleurs, Fred est rendu un expert dans ce domaine! Somme toute, on finit toujours par arriver à destination, (non sans quelques détours). De toute façon, on n'est jamais vraiment pressés! D'autant plus que les chauffeurs et les contrôleurs font tout pour nous aider et nous comprendre; parfois, c'est tout le bus qui s'y met! On vit de beaux moments, contrairement à lorsqu'on prend des rickshaws. Et pour moins cher!

Rameswaram


Déjà, sur une carte, Rameswaram promet d'être un endroit unique. Installée sur une protrusion du continent indien, la ville est à quelques kilomètres de ce qu'on pourrait croire comme étant le bout du monde. Parce qu'elle est sur une île, qu'on s'y rende en voiture, en bus ou en train, le chemin est le même. Tout droit. En fonçant vers l'horizon bleu azur, on voit la mer d'un côté, puis de l'autre et bientôt, les deux côtés se rejoingnent par en dessous. C'est comme si, propulsés à vive allure, on avait raté le dernier arrêt sur la terre ferme et qu'on se dirigeait tout droit vers le Sri Lanka en flottant sur l'eau. Le Pamban Bridge est la seule chose qui nous sépare du fond.

Lentement, le train s'approche de l'autre rive comme une âme arriverait au paradis. De loin, on dénote les cocotiers, le sable blanc, quelques bateaux de pêcheurs ajoutant de jolies couleurs au paysage et bien sûr, la mer. Une fois sur place, pas de surprise. C'est tranquille. On est accueillis chaleureusement par le sourire des villageois. L'un d'eux nous invite à prendre le thé qu'on accepte volontiers.

À mesure que l'on approche du temple, on sent que l'activité s'intensifie. Le soleil est de plomb et on porte chacun un bon 15 kilos sur le dos. La marche est dure mais le rythme est bon. Une seule question, où est-ce qu'on pose nos valises? De ville en ville, à chaque nouveau déplacement, le dilemne est le même. Est-ce qu'on s'arrête au premier hôtel qui satisfait nos critères? Est-ce qu'on essaie de trouver celui recommandé par notre Guide du Routard, perdu au fond d'un labyrinthe de ruelles obscures? On opte pour la deuxième option. Cette fois-ci par contre, l'hôtel est facile à trouver, juste à côté du temple. Génial, il est complet. On revient sur nos pas et on en visite une demi-douzaine. Ils sont tous complets. Super. Ici encore, on en soupçonne quelques-uns d'accueillir seulement les Indiens, mais qu'est-ce qu'on peut y faire? C'est peut-être une faveur qu'ils nous font... On finit par trouver une chambre, pas trop loin du centre.

La difficulté à trouver une chambre, nous dit-on, s'explique par la tenue d'une célébrationdont j'ai oublié le nom. En effet, Rameswaram accueille plusieurs évènements par mois et rares sont les semaines où il ne s'y passe rien. En poussant les recherches un peu plus loin, on apprend que la ville est en fait le deuxième centre de pélerinage le plus fréquenté par les Hindous après Varanasi. En plus de venir se recueillir dans un gigantesque temple, plusieurs vont se baigner dans les eaux environnantes car elles sont considérées comme sacrées. Comme à Bénarès, on y trouve un ghât, escalier menant à l'eau pour faciliter les ablutions. Certains vont même jusqu'à transporter de l'eau prélevée directement du Gange jusqu'ici, dans un rituel censé leur attirer la grâce des dieux. Évidemment, avec autant d'affluence et de rituels de toutes sortes, la rive ne s'en sort pas indemne. Déchets, vêtements, sandales et autres détritus douteux s'entassent sur le bord de l'eau. Ce n'est pas très chic mais on commence à s'y habituer. J'ai l'impression d'être en Inde depuis un an maintenant.

Autre phénomène auquel on a l'habitude, les coupures de courant. Leur fréquence est très variable d'une ville à l'autre mais aucune n'est épargnée plus de 24h. Chacune amène son lot de désagrément. Le soir, évidemment, pendant la douche (au seau de surcroit), tout savonné, la salle de bain est soudainement plongée dans l'obscurité. Au resto, ne pas voir ce qu'il y a dans notre assiette peut être assez embêtant. C'est pas parce que c'est dedans que ça se mange... En marchant dans une ruelle sombre, en écrivant une entrée pour le blog sans l'avoir sauvegardée, en regardant un film (dans une des seules chambres avec télé qu'on ait le luxe de s'offrir), 20 minutes avant la fin. Les exemples pullulent. Merci à ceux qui nous ont offert des Maglites et des lampes frontales pour Noël. On s'en sert.

Les pannes de courants sont donc attribuables à des infrastructures déficientes (vous devriez voir les poteaux électriques ici). On pourrait ajouter un autre problème causé par ce même fléau soit l'évacuation de l'eau. On en a été témoins plusieurs fois, même la plus timide des averses peut inonder les rues en quelques minutes. N'ayant aucun système de drainage digne de ce nom, les rues deviendront bientôt des ruisseaux qui se mélangeront avec, vous avez deviné, les eaux d'égouts. Plus tard, une fois l'averse terminée, le tout formera de multiples flaques d'eau stagnante dans lesquelles les chiens errants iront s'abreuver. Ragoûtant, n'est-ce pas?

Petite anecdote sur notre visite du principal lieu de culte de Rameswaram, le Ramanathaswamy Temple. Celui-ci est particulièrement grand pour un temple planté au milieu d'un village et l'intérieur se décline en plusieurs salles et corridors dont un de près de 200 mètres de long. Il est facile de s'y perdre d'autant plus que certaines sections ne sont pas accessibles aux non-hindous. Parallèlement, plusieurs monuments indiens qu'on a visités commandaient un prix d'entré différent selon si on est indien ou étranger. Chaque fois, comme un mon'oncle jamais tanné de faire la même joke, on disait au guichetier : "Yes, yes, we're Indian. We don't look Indian to you?". Inspirée par cette petite farce plate, Joëlle a réussi à l'impensable. Nous sommes certainement les seuls blancs tanants à avoir eu droit de passage dans les salles réservées aux hindous. Devant le fait, alors que je me résignais à revenir sur nos pas, Joëlle dit tout bonnement au garde: "On est ici pour en apprendre plus sur la religion hindoue dans le but de s'y convertir.". J'en croyais pas mes oreilles. Surtout que j'anticipais un éclat de rire et un signe de la main d'aller voir ailleurs mais non! Il nous fait signe d'attendre, part en courant et revient avec de la poudre blanche dans la main. Avec le pouce, il nous en écrase sur le front et nous fait signe d'avancer. Wow, j'me suis jamais senti aussi scruté du regard depuis qu'on est ici, même après 3 mois. Les gens devaient vraiment se demander ce qu'on foutait là. Après 3-4 minutes, nous aussi. Comme il n'y avait rien de si particulier, à part des Indiens qui faisaient la file pour offrir des fleurs à Shiva, on est partis comme on est venus. En essayant de se faire discrets.

Finalement, je manque de mots, de temps et/ou d'inspiration pour vous parler de notre escapade au bout du monde, à l'extrémité de l'île. Tout ce que je peux vous dire c'est que non seulement l'endroit est fabuleux mais il y règnait aussi une ambiance particulière lors de notre passage. Un peu comme si l'on approchait du fameux précipice que l'on s'imaginait, dans l'ancien temps, quand l'Homme croyait que la terre était plate. Je vous laisse regarder les photos de cette entrée dont les quatres dernières ont été prises sur la plage de Dhanushkodi, village du bout du monde. Sur l'une d'elle, on voit très bien les fameuses huttes en feuilles de palmier, typiques de l'Inde du sud.

mercredi 1 septembre 2010

Thanjavur et Madurai



Notre aventure au Tamil Nadu se poursuit à Thanjavur, une ville tout sauf touristique, qui s'appelait autrefois Tanjore. L'endroit est dominé par le temple de Brihadishvara, un gand temple vivant Chola inscrit au Patrimoine mondial de l'Unesco. Datant du Xe siècle, on le dit "vivant" parce qu'à l'époque, des centaines de personnes le peuplaient, histoire d'amuser les princes et les dieux. L'endroit se démarque donc par sa grandeur; le temple lui-même est entouré de pièces évoquant les quartiers de ses anciens habitants.


À part le temple, il faut se l'avouer, il n'y a pas grand chose à faire à Thanjavur. D'un côté, c'est tant mieux, parce qu'on a été enrhumés tous les deux pendant nos quelques jours là-bas. Ce n'est pas une étape dont on se rapellera toute notre vie, c'est certain. Au moins les gens étaient sincèrement sympathiques, probablement parce que la ville est moins touristique justement. C'est bien ce qu'on retiendra de nos quelques jours; le vendeur de bananes qui nous en donnait tout le temps une de plus, idem pour le vendeur de sucreries... Celles-ci, ici appelées "sweets", sont un véritable régal. On en retrouve de toutes les sortes, le plus souvent des petites boules de pain trempées dans le sirop ou encore des carrés parfumés, sorte de version indienne du sucre à la crème! Il n'y a rien de mieux pour terminer un repas, et éteindre le feu que la nourriture épicée laisse en bouche...


Côté gastronomie, l'Inde du sud se démarque de l'Inde du nord autant par ce qu'il y a dans l'assiette que par la façon de manger. Les plats les plus populaires sont les thalis. En fait, le midi, il n'y a pratiquement rien d'autre de disponible. Vers 11h, les restos sortent leurs affiches et annoncent "meals ready". Ces fameux thalis consistent en une montagne de riz servie sur une feuille de bananier, avec divers accompagnements assez épicés aux légumes, comme du chutney, du sambar... La feuille de bananier, en plus de servir d'assiette peu chère et de rehausser l'aspect visuel du repas, apporte une saveur toute particulière aux aliments. C'est délicieux!

Dans le nord, les gens mangent avec les mains, mais timidement, du bout des doigts, avec une ou deux phalanges seulement. Dans le sud, où il y a de la gêne, il n'y a pas de plaisir! C'est avec la main au grand complet que les Indiens portent la nourriture à leur bouche et, bien qu'à priori cela semble très facile, il existe en fait toute une technique. Fred et moi, on pensait qu'on ne s'en sortait pas si mal, mais un midi un homme est venu nous dire qu'on "semblait avoir de la difficulté à manger"... Bref, un moment hilarant! Il nous a expliqué qu'on doit d'abord mélanger le riz avec les accompagnements, avec la main droite bien sûr, puis faire une boulette de riz avec le bout des doigts. Vient ensuite la partie plus complexe: il faut la soulever avec trois doigts, sans l'écraser, puis porter la main aux lèvres, un peu comme une cuillère. Le pouce sert alors de levier pour faire glisser la boulette dans la bouche. Ouf!

Après Thanjavur, on est parti pour Madurai, un peu à reculons. Je m'explique: après trois mois en Inde, on commence à en avoir assez. On était très enthousiastes après deux mois dans le nord, on se disait qu'un mois serait parfait pour faire le sud, mais on s'aperçoit qu'on a grandement surévalué... En fait, on part pour Pékin le 16 septembre, et d'ici-là, on se sent un peu coincés ici. Le Tamil Nedu, bien honnêtement, ça n'a pas de charme à nos yeux. Des temples, des temples, encore des temples... Heureusement qu'on a eu ces quelques jours à Mamalapuram sur la plage pour se remonter le moral. Bref, on a parfois l'impression de "faire du temps" ici, de poursuivre notre itinéraire sans grand intérêt. On est mûrs pour un changement. Vivement la Chine!

Madurai, donc. Son attrait principal est (roulements de tambours)... un temple, oui oui! La ville est construite autour du Sri Meenakshi Temple, qu'on s'est contenté d'observer de l'extérieur. On a commencé notre visite de la ville avec le Gandhi Memorial Museum. En fait, on s'est rendu compte, non sans gêne, qu'après trois mois en Inde on n'en savait toujours pas plus sur Gandhi, un des personnages les plus importants de son histoire. On a été agréablement surpris de voir que ce musée, gratuit, était très bien fait, avec beaucoup de détails et d'images. Tout un homme, ce Gandhi!





Puducherry



Nous avions plutôt hâte à l'idée de visiter cette ancienne colonie française: sa réputation la précédait. Ambiance coloniale et petits cafés à l'européenne, tous les ingrédients semblaient y être pour faire de notre séjour là-bas une étape hors du commun en Inde du sud. Arrivés à "Pondi", il pleut à boire debout. On se résigne à prendre un rickshaw, un peu à contrecoeur comme d'habitude, car on commence à développer une profonde aversion envers ce type de transport, les chauffeurs plus particulièrement.

Une grande proportion des voyageurs en Inde sont Français, et on comprend donc que ceux-ci soient intéressés par Pondi. En raison de l'affluence, l'hébergement est surévalué, et de beaucoup. En Inde, la corrélation entre le prix et le produit ou le service reçu est ridiculement aléatoire. Pour le même montant, on peut aussi bien se sentir dans un 3 étoiles que dans une usine désafectée. Ça dépend des villes. Je vous laisse deviner à quoi ressemblait notre chambre ici. Pour ajouter à notre bonheur, le taux d'humidité avoisinait les 100%. Juteux.


Il est vrai que l'on puisse se sentir en France en sillonant les rues en échiquier de la vieille-ville. Calmes, assez étroites, elles sont bordées de jolies façades et de plate-bandes. Par contre, on n'a qu'à remonter la rue principale pour revenir en Inde. Bruyante, grouillante de monde et encombrée de kiosques cordés les uns contre les autres, non, nous ne sommes pas à Paris. En fait, depuis 1956, la ville "s'indiennise" et il ne reste, à part quelques cafés et boulangeries, plus grand chose de français ici (il y aurait encore quelques Indiens parlant la langue...). Ce qui est d'autant plus dommage qu'il n'y a pas grand chose de spécial à voir à Pondichéry. Heureusement, la promenade est beaucoup plus agréable que dans les autres villes de l'Inde grâce à une atmosphère dynamique, un parc bien entretenu et un boardwalk sur le bord de la mer (pas de plage par contre). Petite mention au sujet du nom de la ville, elle s'appellait Pondicherry jusqu'en 2006, année où on lui a redonné son nom d'origine d'avant la période coloniale, Puducherry.

On dit que c'est surtout l'ashram de Sri Aurobindo, un philosophe et écrivain spiritualiste qui attire les foules à Pondi. En effet, Aurobindo Ghose, né en 1872 à Calcutta est un poète dont l'héritage est encore très présent dans la ville. Il a été professeur, politicien et est reconnu pour avoir développé une nouvelle approche du yoga, dite "intégrale". Avant de se lancer corps et âme dans son "travail intérieur", il aurait été poursuivi par les Anglais pour ensuite passer un an en prison. Il écrira beaucoup sur la manière de vivre, de voir le monde, d'approcher le divin, etc. et ce sont ses réflexions qui attirent bon nombre de disciples. Outre séjourner à l'ashram, un petit musée est à la disposition du commun des mortels qui comme nous, ne souhaite pas se lancer dans la méditation mais plutôt satisfaire leur curiosité.

Les écrits de Sri Aurobindo ont fait du chemin, même après sa mort. En 1968, la région voit la naissance d'une ville concept, dite "cité expérimentale", appelée Auroville. Initié par une fervente fidèle, ce projet se veut un endroit (utopique, vous en conviendrez) où tous peuvent se réaliser dans un environnement commun qui appartient à tout le monde et où chacun contribue selon ses compétences. Tous les besoins seront comblés par des activités agricoles, d'artisanat, de développement d'énergie, de services financiers, etc. Comment se débrouillent-ils financièrement? En fait, un individu qui souhaite s'y établir fera une contribution initiale et achètera ensuite son terrain et une maison. Ce sont ensuite les revenus des diverses activités qui seront réinvestis dans la communauté.

Nul besoin de vous dire que le succès de ce projet n'est pas celui escompté. Sur une prévision de 50 000 habitants, seulement 1 600 y sont établis en permanence. C'est l'État indien qui aurait prit en charge une partie des dépenses. On s'aperçoit que l'organisation est devenu beaucoup moins spirituelle avec le temps, et les accusations de sectarisme pleuvent sur Auroville.

Alors, on y va ou pas? Oui, Auroville est ouverte au tourisme et contient plusieurs sympathiques Guesthouses sur son territoire. On a jonglé longtemps avec l'idée avant de rencontrer deux touristes françaises qui n'ont pas du tout aimé leur expérience là-bas. Disons que leurs commentaires n'étaient pas des plus positifs. Bref, il fallait faire un choix et basé sur ce qu'on éprouvait pour les endroits dédiés au culte, nous avons préféré passer notre tour.

En terminant, nous aimerions vous faire part d'une observation: à force de voir des graffiti de croix gammées et des symboles du communisme un peu partout, on se posait des questions. Saviez-vous que la fameuse "étoile nazie", qui se nomme en fait Swastika, est un des plus anciens symboles de l'humanité et est largement utilisée par les bouddistes, les hindouistes et les jains? On la retrouve partout en Inde, et elle est loin d'évoquer la connotation nazie qu'on lui porte en occident! Le terme signifie, sans s'y limiter, "bon signe" ou "ce qui porte chance". Dommage que les nazis se la soient appropriée...

Pour ce qui est de la faucille et du marteau, qu'on associait à la Russie, sans trop savoir, l'histoire est un peu différente. En fait, il s'agit du symbole communiste, et non russe. Nous avons appris qu'officiellement, il existe deux tels partis en Inde. Ses militants peinturent donc le symbole un peu partout, en espérant rallier d'autres adhérants. Il faut rappeler qu'ici, plusieurs personnes ne savent pas lire. Il est évidemment difficile d'obtenir des statistiques justes sur le sujet, mais la plupart des sources récentes s'entendent pour situer le taux d'analphabétisme aux alentours de 40% malgré les progrès faits dans les dernières années. Comme quoi un symbole rejoint toujours plus de gens qu'un slogan!