lundi 22 novembre 2010

Luang Namtha et Luang Prabang


Sabaidee!

Nous sommes présentement au Laos depuis le 12 novembre. On était un peu nostalgiques en traversant la frontière sino-laotienne, c'est qu'on a eu avec la Chine une relation amour-haine, tout comme avec l'Inde. C'est le prix à payer pour vivre un dépaysement total; donnez-nous deux semaines encore et on va s'ennuyer du thé vert et des masseurs aveugles... D'ailleurs, en soupant dans un resto indien à Luang Namtha, Fred et moi nous sommes avoué, entre deux bouchées de channa masala, qu'on s’ennuie de l'Inde. On parle même d'y retourner un jour... Il faut croire que le bruit et la saleté n'ont pas eu raison de nous.

Bon, pour en revenir à nos premières instants au Laos, c'est particulier, il y a comme une zone grise entre les deux frontières. On obtient notre étampe de sortie de la Chine, puis on doit marcher quelques kilomètres le long de la route avant d'arriver au poste frontalier du Laos. Le soleil plombe et on se pose toutes sortes de questions: si l'on est ni en Chine, ni au Laos, on est où là? Qu'est-ce qui se passe si on commet un crime? Où si le Laos refuse de nous accorder le visa? Tant de questions humoristiques avec un fond de vérité qui resteront sans réponse puisque le visa laotien s'obtient avec une facilité remarquable. Tu sors l'argent et hop! C'est fait en moins de deux, sans poser de questions. D'ailleurs, les Canadiens paient plus cher que toutes les autres nationalités pour ce visa. Quelqu'un peut-il nous éclairer là-dessus? Y aurait-il un immense malaise diplomatique qui nous échappe?

Arrivés à Boten, première ville du côté du Laos, on a échangé nos yuans contre des kips. Ici, nous serions tous millionnaires puisqu'un dollar canadien vaut environ 8 000 kips. Ça fait drôle de faire des retraits d'un million au guichet, ou encore de payer son souper avec un billet de 50 000!

Plus tard, alors qu'on essayait sans grand succès de négocier le coût du trajet jusqu'à Luang Namtha, deux Ukrainiens (!) qui passaient dans une camionnette nous ont offert de monter avec eux, gratuitement. On n'a pas vraiment réussi à comprendre ce qu'ils faisaient ici, mais à chaque point de contrôle ils offraient chips et bière aux policiers pour s'éviter la fouille du véhicule. Ça veut tout dire!

On en a presque oublié de reculer nos montres, au Laos, il est une heure plus tôt qu'en Chine. En réalité, c'est plutôt un bond de cinquante ans en arrière qu'on fait en changeant de pays. La différence est frappante, surtout en terme d'infrastructures et de véhicules. On a eu l'occasion de pédaler du côté des petits villages et à chaque fois, c'est un tourbillon de Sabaidee, de sourires et d'enfants qui courent qui nous attend. C'est vraiment agréable et l'atmosphère est définitivement plus détendue de ce côté-ci de la frontière.

Avec ses nombreuses aires protégées, rivières et formations karstiques, le pays est reconnu pour son tourisme d'aventure, avec un penchant vers l'écotourisme. On compte bien en profiter et on a choisi de commencer avec une journée de kayak sur la Namtha, dans les rapides. Avant de partir, on a été au marché local avec Sython, notre guide pour la journée. On a goûté à des larves grillées et assemblé un pique-nique pour le lunch. Au menu: riz collant, légumes verts et poisson grillé sur un feu de camp, un vrai délice.

Vous verrez également dans l'album quelques photos de Luang Prabang, une ville qui été sacrée toute entière patrimoine mondial de l'Unesco. Un endroit charmant, qui rappelle l'époque coloniale française. On y serait bien resté un peu plus longtemps pour profiter de cette belle ambiance, mais on a dû s'enfuir après seulement 24h histoire de ne pas faire exploser notre budget!

lundi 15 novembre 2010

Le Yunnan


Yunnan signifie “au sud des nuages”; un proverbe chinois dit que lorsqu'on se rend au bout du monde, on y est pas encore tout à fait rendu. C'était sûrement vrai quand on croyait que Chine et univers étaient synonymes mais de nos jours, l'endroit est loin d'être difficile d'accès. Il s'agit simplement de la province la plus au sud du pays et donc pour nous de la dernière étape avant de pénétrer au Laos.

Pour vous mettre en contexte, le Yunnan est la province la plus pauvre de la Chine et celle où vivent le plus grand nombre de minorités ethniques au pays (par opposition aux Han, les “vrais” Chinois). C'est aussi ici, selon nous, que l'on trouve les gens les plus sympathiques. La plupart nous saluent systématiquement, arborant leur plus grand sourire.

Grâce à une compétition féroce entre les compagnies aériennes, à un immense bassin de population et une fréquence de vols s'approchant de celle des passages d'un métro, nous avons (encore une fois) pu nous offrir des billets d'avion au prix d'un trajet de train. C'est donc de cette façon que nous avons quitté la ville de Chengdu pour rejoindre celle de Lijiang. En prime, nous nous sommes épargné un assommant 22h de transport en autobus réparti sur trois étapes, sans parler du plaisir de voir, entendre et sentir nos amis chinois régurgiter leur soupe aux nouilles, intestins et scorpions séchés dans un petit sac de plastique (ça arrive à plusieurs, sur chaque trajet). Des sacs en plastique sont d'ailleurs systématiquement distribués à tous les passagers avant le départ. Pour aider à l'envie de vomir (ou changer l'odeur), chaque passager de sexe masculin s'allume au minimum une cigarette aux quinze minutes. Autobus, restaurant, salle d'attente, les Chinois fument partout, tout le temps, comme des cheminées. Un peu comme les Indiens qui chiquent!

Bon, où en étais-je? La ville de Lijiang est un labyrinthe de ruelles tortueuses bordées de vieilles maisons basses en bois de couleur rouge vin à travers lesquelles (les ruelles, pas les maisons) serpentent des petits ruisseaux qu'on enjambe à l'aide de petits ponts en pierre. Charmant. La minorité ethnique installée ici sont les “Naxi”. Leur mode de vie repose sur des traditions ancestrales et matriarcales et ils font un excellent fromage de chèvre! Voilà, c'est à peu près tout ce qu'on sait sur la ville et ses habitants. De tout façon, la raison principale de notre visite se trouve encore à quelques heures de route de Lijiang soit “la gorge du saut du tigre”. Étirée sur une trentaine de kilomètres, elle est le théâtre d'une magnifique randonnée à flanc de montagne avec pour toile de fond un paysage époustouflant dominé par des sommets de 5000 mètres. L'objectif de cette randonnée étalée sur deux jours est de se rendre au point le plus étroit de la gorge, large d'environ 30 mètres. Selon la légende, c'est là qu'un tigre l'aurait franchie d'un seul bond, pour échapper à un chasseur. La randonnée fut très satisfaisante avec des sections à difficultés variables dont le segment le plus éprouvant jamais parcouru par vos deux voyageurs (!) dans la montée entre les rapides et la route. Le point de vue d'en bas en valait la peine et les sueurs.

Ensuite, nous nous sommes dirigés vers Kunming. La capitale du Yunnan est une autre ville désespérément moderne bâtie autour d'un centre-ville aux allures d'immense centre commercial. En réalisant que nous approchions de la fin de notre séjour en Chine, c'est ici que certaines constatations se sont confirmées. D'abord, sur la gastronomie chinoise. Pas celle des restos chics mais celle de rue, que la majorité peut s'offrir donc, disponible à tous les cent mètres. Après plusieurs semaines à essayer, on capitule. Il faut le dire, les Chinois ont des goûts bien trop différents des nôtres. Épices et textures, c'est toujours trop ou pas assez et la plupart du temps, ça baigne dans l'huile. Rien à voir avec la cuisine chinoise qu'on a l'occasion de déguster à Montréal dans le quartier chinois. Et que dire de la variété, ou l'absence de. D'une échoppe à l'autre, c'est du pareil au même. Un tas de nouilles dans un bouillon huileux avec quelques pousses et des morceaux de porc. Sans oublier la viande de yak séchée! Heureusement, une particularité chinoise nous permettait de temps à autre de combler une petite fringale: les vendeurs itinérants de châtaignes et de patates douces attendent patiemment les clients sur le trottoir avec leur petit kiosque sur roulettes. Le seul “hic”, c'est que la plupart n'ont pas de permis pour ce qu'ils font et doivent donc constamment être sur leurs gardes au cas où les forces de l'ordre se pointeraient le bout du nez. On eu droit à toute une scène quand une vendeuse de patate s'est fait surprendre par la police à côté de nous! On aurait dit qu'elle courait pour sa vie. La punition doit être horriblement sévère pour ceux qui se font prendre... 

Notre deuxième désillusion face à la culture chinoise a trait au contact avec les autres. C'est bien dommage mais le rêve de se promener dans un village et de se faire accueillir à bras ouvert par les habitants qui nous invitent à prendre le thé et un bon repas chez eux ne se réalisera pas en Chine. Est-ce à cause d'une culture un peu plus fermée qu'on le croyait, d'un déjà trop grand flux de touristes même dans les régions plus éloignées? Peut-être d'une vision utopiste de la vie chinoise en campagne? Probablement un peu de tout ça. À bien y penser, un scénario identique au Canada, où les nationalités sont inversées n'est pas vraiment réaliste non plus.


À partir de Kunming, en descendant vers le sud, le paysage change rapidement. Les montagnes demeurent mais le gris et blanc des sommets enneigés fait place au vert d'une végétation plus tropicale. Les plantations de bananiers et les rizières en escaliers couvrent maintenant la majeur partie du territoire. On remarque aussi que les physionomies changent, les joues sont moins joufflues et que la peau prend quelques teintes de doré. À Jianshui, une étape à priori banale qui s'est avérée charmante, nous avons passé un avant-midi complet à nous balader dans les rues du quartier musulman pour échanger quelques mots et poignées de main. On pouvait sentir leur enthousiasme d'échanger un rare moment avec des étrangers. Les enfants chantaient et dansaient autour de nous. Le soir venu, on se retrouve assis dans une petite gargote de quartier autour d'un excellent repas dont nous avons nous même choisi les ingrédients! On en rêvait depuis des semaines. Le principe est simple: les aliments sont tous présentés dans un réfrigérateur (style supermarché) et il ne reste qu'à pointer. Pas de mauvaise surprise, pas de bœuf haché dans notre plat de tofu. Croyant avoir trouvé la seule perle rare, nous avons commandé assez de plats pour en avoir pour déjeuner et pour dîner le lendemain. Il fallait bien être rendus à la fin du segment chinois de notre périple pour commencer à apprécier leur bouffe! 

Pour ajouter à l'ironie, c'est le même genre de scénario qui nous attend à notre prochaine destination, Yuanyang. D'abord attirés là pour admirer les fameuses rizières en escaliers, le village nous a conquis à cause de ses habitants, encore une fois hyper chaleureux. On nous a même invité à prendre le thé! Bien que ce fut assez bref et plutôt laborieux sur les échanges verbaux, nous sommes très heureux de la tournure des événements. Ensuite, pour un troisième soir d'affilé, nous avons la chance de tomber sur un de ces restaurants familiaux où réfrigérateurs, cuisine, salle à manger, clients et animaux de compagnie sont réunis dans une même pièce. Les plats sont simples mais avec une bonne portion de riz et une bière froide, ces repas sont les meilleurs de Chine. Et comme c'en est devenu une habitude, on en garde pour le lunch du lendemain.

À partir de Yuanyang, 18h de bus et 530 kilomètres plus tard nous amènent à Jinhong, une splendide ville de la région mythique du Xishuangbana. Elle est encore peu fréquentée par les touristes parce qu'elle a longtemps été très difficile d'accès mais depuis qu'une autoroute la relie à plusieurs autres grandes villes, ce n'est qu'une question de temps avant qu'elle devienne une destination de choix autant pour les Chinois que pour les étrangers. Les trottoirs sont tous larges et bordés de palmier, et le mercure grimpe facilement jusqu'à trente degrés. Pour les Chinois, c'est comme se rendre dans un pays du sud-est asiatique sans traverser la frontière et pour les voyageurs, c'est une halte incontournable sur la route du Laos.

Autrement, bien que ce soit possible dans d'autres villes chinoises, on a finalement essayé une particularité, voire étrangeté chinoise: les masseurs aveugles. Il faut dire que même si l'idée est géniale (donner une formation de massothérapeute à de jeunes handicapés visuels et leur permettre de gagner leur vie de façon autonome), il y a quelque chose d'intimidant à recevoir un massage par un non-voyant. Quelques minutes suffisent pour effacer le malaise et laisser place au bien-être. Ils maîtrisent leur technique de façon irréprochable. Il est vrai que les non-voyants développent bien plus leurs autres sens. Ce sont des pros!