lundi 25 avril 2011

Lembongan, Bromo et Yogyakarta


Sur l'île de Lembongan, les véhicules à moteur sont interdits. Ce petit bout de paradis d'à peine 7000 habitants est perdu entre Lombok et Bali, au sud-est de cette dernière. Dès que le traversier a accosté, l'eau d'un vif turquoise et les espiègleries des pêcheurs nous confirmaient qu'on venaient d'arriver dans un endroit hors de l'ordinaire. On a marché sur l'île d'un bout à l'autre, découvert des petites plages secrètes et traversé des villages paisibles où les habitants tissent sagement des filets pour récolter les algues, pendant que leurs enfants nous sourient et nous demandent candidement de les photographier.

Quand on arrive vers la fin d'un périple d'un an, notre gestion du temps change. Alors qu'on prenait habituellement un grand plaisir à laisser les jours filer, quand ceux-ci n'étaient pas comptés, on cherche maintenant à optimiser nos derniers moments. C'est pourquoi, bien qu'on aurait facilement pu passer cinq jours à s'imbiber de l'atmosphère de Lembongan, nous sommes partis après seulement deux.

Le prochain défi consistait à se rendre à Bromo en une seule journée de transport. Après une heure de bateau, trente minutes de taxi, sept heures d'autobus entrecoupées d'une autre heure de bateau ainsi que deux heures de minibus, le défi est relevé. On a rejoint Bromo depuis Nusa Lembongan en ne gaspillant qu'une seule journée dans les transports.

Avec plus de cinq cents volcans sur son territoire, l'Indonésie est le pays qui en compte le plus à travers le globe. De ce nombre, les autorités considèrent que cent trente sont actifs et en classifient présentement soixante-huit de dangereux . C'était le cas du Mont Bromo, qui a connu une augmentation de son activité depuis la fin 2010 couplée d'une hausse des éruptions de lave et de cendres en mars dernier. Inutile de vous dire que nous n'envisagions pas d'y aller à ce moment-là. Coup du hasard, nous avons appris au début avril que le gouvernement venait tout juste de suspendre le périmètre de sécurité entourant la bête en raison d'une baisse de l'activité volcanique. Son cratère fume encore et il n'est pas recommandé de l'approcher mais ce n'est plus interdit. Qu'est-ce qu'on a décidé d'après vous? D'y aller!

Pour profiter au maximum de Bromo, il faut se lever bien avant le soleil. Dès quatre heures du matin, pour être plus précis. Nos efforts ont été immédiatement récompensés par un ciel dégagé et étoilé avec la pleine lune qui éclairait la silhouette du populaire volcan et celle de son voisin inactif, le Mont Batok. Après avoir admiré le jour qui se lève, une Jeep nous a amené sur la caldera, cet immense plaine désertique qui entoure les deux colossales montagnes coniques. Une fois sur place, les guides ne s'entendent pas. Certains nous suggèrent de monter, d'autres nous déconseillent de le faire. Mais combien de fois dans notre vie auront nous l'occasion de grimper au bord du cratère d'un volcan actif? En essayant de ne pas trop penser au fait qu'en 2004, deux touristes ont été tués par une éruption imprévue, nous avons entamé la courte ascension.

Une fois au sommet, la vue des alentours est imprenable. Par contre, en raison de l'immense colonne de fumée grisâtre qui s'en échappe du cratère, on ne voit pas très loin à l'intérieur. De plus, un immense grondement dont l'intensité varie constamment faisait vibrer nos tympans. On ne se sentait pas très braves! À chaque fois que le bruit augmentait, on ne pouvait pas faire autrement que de s'imaginer d'immenses poussées de magma jaillir en notre direction. On dit que dans ces situations, les débris et la lave sont propulsés à des vitesses approchant les 300 km/h. Inutile de courir si ça arrive!

Heureusement, notre retour au village de Cemoro Lawang s'est fait sans heurts. La destination suivante, Yogyakarta, fut l'occasion de découvrir l'artisanat Batik après s'être remis d'un autre trajet de douze heures de minibus. On a également visité les impressionnants vestiges des temples de Borobudur et Prambanan, respectivement bouddhiste et hindou, qui datent du 9e siècle.

Voilà, c'est fait! Vous venez de terminer de lire le récit de nos toutes dernières aventures. Après onze mois passés à errer dans neuf pays, le temps de retrouver parents et amis est maintenant arrivé. Après avoir dormi dans cent quarante-et-un endroits différents, soit quatre-vingt-dix-neuf chambres, vingt-et-un dortoirs, dix trains, deux aéroports, deux bateaux, deux tentes-roulotte, deux hôpitaux, une tente, un avion et un désert, un peu de stabilité sera certainement bienvenue!

Quand on passe autant de temps sur la route, il vient un moment où les montagnes, les palmiers, les temples et les petits marchés commencent tous à se ressembler. Les scènes quotidiennes typiquement asiatiques qui nous impressionnaient tant auparavant font maintenant partie de la routine. Le désir de passer inaperçus commence à se faire sentir. On a envie de cesser de faire tourner les têtes, de ne plus être l'étranger, le blanc, le différent. Il est temps de clore ce chapitre et d'appliquer dans nos vies tout le bagage de cette expérience extraordinaire.

Nous tenons à offrir nos remerciements les plus sincères à tous ceux qui nous ont suivis tout au long de cette belle aventure. Statistiques à l'appui, votre grand nombre et votre assiduité nous ont agréablement surpris et encouragés.

En espérant vous avoir donné envie de voyager autrement,

Fred et Joëlle

dimanche 17 avril 2011

Roadtrip sur Bali

Devant moi, Joëlle fait du yoga sur le balcon de notre superbe bungalow en bois. En arrière plan, j'aperçois les montagnes et j'entends l'eau de source qui coule dans un étang. Au moment où j'écris ces premières lignes, on est en altitude au village de Munduk, en plein coeur de Bali. Le paysage est évidemment magnifique. Pour en rajouter, la température est (enfin!) fraîche et l’achalandage est bien moindre « qu'en bas ». Et pour venir en profiter, il aura fallu passer à l'action et succomber à l'idée qu'on avait en tête depuis un bon moment, louer une voiture.

D'abord, conduire en Indonésie est un sport extrême. La route est rarement plus large qu'une Honda Civic et les nids de poule (consolez-vous, chers amis) sont plus nombreux encore qu'au Québec. On ajoute à ça la conduite à gauche et des scooters dans tous les sens. Par contre, le sentiment de liberté que nous apporte notre propre moyen de transport compense largement le stress d'une très possible collision frontale avec un minibus-15 passagers. De plus, on s'arrête quand on veut, où l'on veut et surtout, quand ça presse... Oh, et ici, l'essence est à 0,50$ le litre.

C'est à Ubud que cette aventure a pris forme. On aura quand même bien pris le temps de visiter cette charmante ville qui, il y a cinq ans à peine, était peu connue des touristes. Pour ceux qui l'ont vu ou lu, c'est ici que se déroule la portion Balinaise de Mange, Prie, Aime. Sans surprise, Ubud est maintenant très touristique mais elle est heureusement à des années-lumière de Kuta en termes de décor et d'atmosphère. Complètement opposées. Ubud est donc un endroit zen où la verdure domine. Elle est entourée de kilomètres carrés de rizières en terrasses dans lesquelles il est impératif d'aller se perdre. Pour combler les épicuriens, Ubud compte de nombreux cafés et restos où il fait bon s'arrêter et relaxer. On y trouve aussi d'innombrables boutiques et ateliers d'artisanat local de qualité où on peut s'inscrire à des cours de quelques jours à plusieurs mois. Peinture, sculpture, photographie, spectacles de danse, sans oublier les très populaires sessions de yoga, il y en a pour tous les goûts.


Nous sommes donc partis sur la route pour une douzaine de jours avec l'intention d'aller aux quatre coins de l'île en passant par le centre pour une pause rafraîchissante. On aura fait notre premier arrêt à Munduk. Côté sorties, malgré la météo capricieuse, on aura réussi à aller cueillir des fraises et faire des photos de chutes d'eau, lacs et temples flottants. Le tout agrémenté de beaux soupers à flanc de montagne.

Prochaine étape, on s'est dirigés vers la côte pour notre initiation à la plongée en apnée. Bali compte plusieurs endroits de premier choix pour pratiquer cette activité. À Pemuteran, pas de complication. On loue l'équipement et on se jète à l'eau. Les spots où le corail est abondant à quelques mètres de la plage sont rares mais ici, c'est le cas. La surpêche et le dynamitage ayant fragilisé le corail, les autorités locales ont mis en place un procédé favorisant sa revitalisation. Grâce à des génératrices à très bas voltage, il se reformerait maintenant cinq à six fois plus rapidement et ce, sans nuire à l'environnement. Ça a été une révélation, on en voulait plus!

En fait, on aurait eu droit à un épisode de snorkeling à chaque étape de notre croisade sur Bali mais pour chacune de celles-ci, quelque chose clochait. À Lovina, seulement deux des trois troubadours ont pu aller au large, l'autre étant confiné à la chambre pour se remettre d'un empoisonnement alimentaire. Ensuite, à Amed, la pluie a rendu l'eau trouble et on ne voyait pas à plus de 20cm de notre masque. Finalement, à Padang Bai, les courants étaient beaucoup trop forts et auraient pu nous emporter à mi-chemin entre l'Indonésie et l'Australie en très peu de temps.

Faire le tour en voiture aura été une belle façon de découvrir en profondeur un endroit aussi mythique que Bali, que la plupart des gens ne font qu'effleurer. Que ce soit la tranquillité des villages de pêcheurs près d'Amed, la frénésie des petites villes, les orchidées en abondance ou la vie au rythme des offrandes, on aura profité pleinement de chacune des facettes de Bali.

mercredi 6 avril 2011

Surabaya et Kawah Ijen


Ça y est, c'est le dernier. Le dernier pays sur notre liste et le dernier de l'Asie du sud-est, avant l’Océanie et toutes ces petites îles paradisiaques du Pacifique. La République d'Indonésie n'est pas en reste avec ses quelques dix-sept mille îles et cinquante-cinq mille kilomètres de côte, il y a de quoi satisfaire les plus endurcis des voyageurs, même ceux qui ont parcouru plus de... Bon, d'accord, plus de chiffres, je me tais.

Le problème ici, c'est de choisir. L'Indonésie, c'est grand, et trente jours, c'est court. Sans parler de la lenteur des transports! On n'aura jamais autant tergiversé sur le choix d'un itinéraire, et même une fois sur place, ça change toujours. Ce n'est qu'il y a quelques jours que nous en sommes venus à une version définitive. Pour vendre la mèche, on ne sera pas allés bien loin mais on aura fait bien du chemin...

Notre entrée au pays s'est fait par la ville de Surabaya, située dans la partie est de l'île de Java. Pour l'anecdote, la ville tire son nom d'une vieille légende racontant une confrontation entre un requin et un crocodile dans le but de déterminer lequel serait l'animal le plus puissant de la région. En langue javanaise, Suro signifie requin et Buaya signifie crocodile. Première impression de l'Indonésie: on aurait dit être en Inde, en mieux organisé et moins délabré. D'ailleurs, notre arrivée là-bas en pleine nuit nous a rappelé des souvenirs de notre arrivée à New Delhi, en moins traumatisant, heureusement.

Le premier contact avec la population a été positif, spécialement si l'on tient compte du fait qu'il s'agit de la deuxième plus grande ville du pays. Règle générale, plus la ville est grande, plus ses habitants sont insensibles à notre présence. La différence ici, c'est que Surabaya n'est pas touristique. C'est donc avec grand plaisir que nous nous familiarisons avec notre nouvelle terre d'accueil, ses occupants et... sa monnaie. Après quelques jours à essayer de convertir chacune de nos transactions en dollars au taux de un pour 8500 rupiah, on s'en remet à l'évidence: l'Indonésie, ce n'est pas cher. Le coût de la vie est définitivement inférieur à celui de la Malaisie, surtout pour la bouffe.

Malgré un certain charme, il ne valait pas la peine de s'éterniser dans cette ville. Il était temps de passer à l'action. Notre destination suivante aurait dû être un village non loin du célèbre Mont Bromo mais à cause d'une augmentation de son activité volcanique et de son potentiel d'éruption, valait mieux s'en tenir loin. Ayant à se diriger vers l'est, les alternatives étaient peu nombreuses. Par contre, comme bien souvent pendant le voyage, une déception est vite compensée par une surprise.

Le lac Ijen, au sommet du volcan du même nom, est devenu le paysage le plus spectaculaire qu'on ait eu l'occasion d'admirer jusqu'ici. Pour ajouter à l'intérêt des lieux, il fut très intéressant d'en apprendre sur les activités d'extraction du minerai de soufre. Avant d'être un attrait touristique, le volcan est une source de revenu pour de nombreux habitants de la région. Pour gagner leur vie, des centaines de travailleurs doivent chaque jour, effectuer deux aller-retour entre la base et le cratère du volcan. L'épreuve consiste à marcher 3,5km jusqu'au point d'extraction (déjà relativement exigeant car le chemin monte d'un kilomètre de dénivelé) pour ensuite ramener entre 65 et 85 kilogrammes de minerai sur ses épaules. Deux fois plutôt qu'une! Ce n'est pas tout. La dernière section du trajet, du sommet en descendant au point d'extraction, est particulièrement accidentée et ces hommes au gabarit modeste (tout juste 5 pieds et 100 livres) ne portent que des sandales de plage aux pieds. À 650 rupiah par kilogramme transporté, ces travailleurs gagnent en moyenne $13US par jour soit tout juste en deçà du salaire moyen pour un homme en Indonésie. En contrepartie, ceux-ci sont susceptibles à de graves problèmes respiratoires. Nous pouvons en témoigner. Même avec un masque, la fumée est très irritante et il est très difficile de respirer sur une partie du parcours. Mais quelle expérience mémorable! Je me dois de mentionner que ces dits travailleurs ont été extrêmement gentils et accueillants envers nous malgré le travail éprouvant. Tous nous saluaient ou nous souriaient et on pouvait ressentir l'esprit de camaraderie qui règne entre eux. Il est d'ailleurs coutume pour les touristes d'offrir des biscuits et de l'eau aux travailleurs rencontrés sur le chemin.

Après cette journée paradisiaque, le transport de Java vers Bali nous a paru comme une descente aux enfers. Sur papier, il ne s'agissait pourtant que d'un trajet d'à peine quatre ou cinq heures. En pratique, on aura mis toute la journée pour rejoindre Kuta, en passant par un taxi, un traversier et deux mini-bus. Pour y arriver, il aura fallu négocier deux fois plutôt qu'une avec des chauffeurs malhonnêtes qui, pour compenser une journée peu lucrative, nous demandaient jusqu'à dix fois le prix normal.

Une fois sur place, on n'est pas enchantés du tout. Hyper commercial, pas une once d'authenticité, une circulation infernale et de la construction pour couronner le tout. Disons qu'on s'attendait à mieux du secteur touristique le plus populaire de Bali. Le rapport qualité/prix de l'hébergement étant médiocre, il ne nous restait plus qu'une seule raison d'être ici, la plage. En y arrivant, j'ai presque fait un arrêt cardiaque. Quel désastre, c'est un dépotoir! Qu'est-ce qui s'est passé? Eh bien, on nous explique qu'entre décembre et avril, les vents forts de l'ouest amènent un beau gros lot de déchets jetés dans l'eau en provenance de Java. Chaque année, c'est la même histoire. On nettoie mais ça prend du temps. C'est ici que la haute saison et la basse saison touristique prend tout son sens.

Pas besoin de vous dire que notre séjour à Kuta a été de courte durée. De toute façon, Bali, c'est grand et il y a encore plein de coins à découvrir.