mercredi 15 septembre 2010

Kochi

Après un paisible petit séjour en montagne, le retour dans une ville typiquement indienne, avec ses klaxons et sa folie, a eu l'effet d'une douche froide. Il faut dire que le quartier où l'on a choisi de dormir, Ernakulam, a autant de charme qu'un mal de dents. Le truc touristique, ici, c'est Fort Cochin, un petit village à l'allure un peu coloniale dont le développement a été influencé par les Portuguais et les Néerlandais. Outre l'ambiance, on y retrouve également des filets à pêche forts particuliers, un vestige de relations commerciales avec la Chine.



On a donc été voir les fameux filets à la tombée de la nuit pour profiter du coucher de soleil comme arrière-plan. On avait espoir d'observer des pêcheurs à l'oeuvre, et nos prières ont été entendues: c'est fabuleux de voir cette immense structure en bois émerger de l'eau. Toute une technique!

Certains pêcheurs ont remarqué notre intérêt et nous ont fait signe de s'approcher. On a à peine eu le temps d'anticiper un échange intéressant avant que la réalité indienne ne nous rattrappe: les conversations spontanées et gratuites n'existent pas ici. L'un d'entre eux nous explique brièvement comment il pêche, avant de partir sur son laïus: le filet ne lui appartient pas, il doit redonner 30% aux propriétaires et, ces temps-ci, la pêche n'est pas bonne, et il aimerait bien un petit don. Une femme qui était avec nous lui donne 20 roupies (l'équivalent d'un souper) mais le pêcheur lui répond qu'il aimerait bien en recevoir 500.

Les occasions d'échanger de façon satisfaisante avec un Indien sont rares, voire inexistantes. Ils ont constamment derrière la tête l'idée nous demander de l'argent, que ce soit en mendiant ou en nous vendant quelconque produit ou service bidon. C'est parfois très frustrant de ne pas pouvoir connecter avec eux. La relation avec autrui est biaisée quand une des deux parties ne reconnait pas le rapport d'égalité, et la plupart des Indiens en sont incapables, ils sont viscéralement possédés par des pensées récurrentes où ils se demandent comment ils vont pouvoir nous soutirer quelques roupies. On est loin de l'échange culturel bidirectionnel où chacun y trouve son compte en apprenant sur l'autre.

Pour en revenir à notre conversation avec les pêcheurs, pour plusieurs raisons, on a choisi de ne rien donner. Ce sont eux qui nous ont invités sur leur plateforme, on y est resté environ cinq minutes, et ça avait à peu près tout d'une discussion et rien d'une visite guidée. Je refuse de payer quelqu'un parce qu'il nous adresse la parole, c'est carrément odieux. Je comprends que nous soyons plus choyés qu'eux sur bien des plans, mais ce n'est pas une raison pour se vider les poches à chaque fois qu'on nous le demande, soit environ quinze fois par jour. Premièrement, notre budget est loin d'être illimité, et deuxièment, quand on donne, ça crée un précédent et ça encourage ce genre de comportement chez les habitants, tel un cercle vicieux.

Par exemple, à Rameswaram, les enfants de la rue nous demandaient des crayons avant même de nous dire bonjour. À cause d'un précédent, parce qu'ils se sont déjà fait offrir des crayons par d'autres voyageurs. Au Bangladesh, un pays qui a vu beaucoup moins de tourisme que l'Inde, les jeunes étaient tout excités quand ils nous voyaient arriver, et fiers de nous aborder avec les quelques mots d'anglais qu'ils connaissaient. Une fois, on a joué au soccer avec eux. C'était agréable, ça riait quand on leur a montré comment frapper le ballon avec la tête. Bref, on a eu autant de plaisir qu'eux, et il n'y a pas eu d'échange de crayon. Il faudrait que certains voyageurs arrêtent de se prendre pour des missionnaires et s'enlèvent de la tête qu'ils sauvent des villages entiers de la famine en leur apportant des stylos à bille. S'intéresser à eux leur rapporte bien plus...

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